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"Chroniques transatlantiques"
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16 août 2005

Les chemins de la Rédemption

Décidément, on pourrait consacrer un blog entier à la religion aux Etats-Unis !

La dernière initiative de l’Indiana Department of Correction (système pénitentiaire de l’Etat de l’Indiana) mérite que l’on s’y attarde un instant. Ses responsables viennent de mettre en place un programme appelé « Purposeful Living Units Serve » (PLUS) dont l’objectif proclamé est de favoriser la réhabilitation des détenus par la religion. Ce système existe déjà dans d’autres Etats américains tels que le Texas, la Floride, ou l’Oklahoma.

Dans un Etat comptant plus de 25.000 détenus pour 6,5 millions d’habitant (en France : environ 60.000 détenus pour 60 millions d’habitants …), et où la récidive est fréquente (38% des detenus sont de retour en prison moins de trois ans apres leur liberation), les responsables semblent prêt à faire feu de tout bois pour la reduire. Ainsi que l’indique le commissioner (directeur) de l’Indiana Department of Correction (désigné par le gouverneur), 97% des detenus ont vocation à sortir de prison un jour ou l’autre. Autant mettre toutes les chances de son côté pour que les détenus ne replongent pas.

Le programme est expérimenté pour l’heure dans trois centres pénitentiaires – un pour homme, un pour femmes, un pour adolescents – et est susceptible d’être généralisé à l’ensemble des prisons de l’Indiana (les prisons dépendant de l’Etat de l’Indiana, pas les prisons fédérales situées dans l’Etat de l’Indiana qui, elles, sont soumises à une réglementation fédérale).

Le programme propose une incarcération dans des cellules individuelles et plus confortables à ceux qui souhaitent bénéficier d’un suivi religieux (« religious training », dit le texte…). Les détenus suivant ce programme sont conduits à participer à des activites communes afin de renforcer leur sens de la communauté (« Give back to the Community », véritable leitmotiv americain) et de se prêter une assistance mutuelle sur le chemin de la rédemption. Des classes sont enseignées, des lectures prescrites, la rédaction de journaux intimes est encouragée, des groupes de discussion organisés, des temps de prière et de méditation aménagés.

En théorie, cette initiative respecte toutes les confessions religieuses, dans la mesure où l’accent est surtout mis sur l’élévation des standards moraux et le développement de l’esprit de responsabilité. Il est d’ailleurs prévu des enseignements spécifiquement dédiés aux non croyants (principes de morale universelle), afin que nul ne soit exclu a priori du programme.

Cependant, les opposants à cette initiative considèrent qu’en pratique seules les confessions bénéficiant d’un solide enracinement local (en gros les différentes églises protestantes et l’Eglise catholique) auront suffisamment de ressources pour envoyer des volontaires dans les prisons, fournir des enseignements et du matériel religieux. Ils estiment, sans doute à juste titre, que ce n’est pas parce que des ouvrages sur toutes les religions seront disponibles que le pluralisme sera forcément respecté. Les faits leur donnent pour l’instant raison puisque les 202 premiers volontaires qui tentent actuellement l’experience sont inscrits dans la version religieuse du programme.

Les opposants voient aussi dans le programme PLUS une atteinte à la séparation entre l’église et les pouvoirs publics. Pour eux, c’est seulement une façon pour l’Etat de l’Indiana de promouvoir la religion. Avec un nouveau gouverneur républicain, et les deux chambres acquises au « Grand Old Party », il est évident que les hommes politiques locaux sont déterminés à faire la politique que souhaitent leurs électeurs. Ils sont d’ailleurs pour la plupart d’entre eux, au parti républicain du moins, de fervents croyants.

En réalité, ce nouveau dispositif n’est qu’un exemple, parmi une multitude d’autres, d’une conception différente des rapports entre les pouvoirs publics et la religion de celle que nous connaissons en France, et plus largement en Europe. Dans une société religieuse telle que la societe americaine, le programme PLUS est largement vu de façon positive. Et n’allez pas croire que les détenus ricanent : ils sont eux aussi issus de cette société, et en connaissent naturellement les modes de fonctionnement. Ainsi il est extrêmement fréquent que, dans des dossiers pénaux, le suspect ou le détenu invoque devant le juge sa conversion religieuse, confesse publiquement ses fautes, et indique que la rencontre du Seigneur l’a transformé. Difficile à imaginer en France. Les avocats refuseraient sans doute d’utiliser un tel argument, craignant sa faible portée, voire même ses effets pervers.

Deux points me paraissent sérieusement questionnables dans le programme PLUS. Le premier concerne l’identité de ceux qui se portent volontaires : je crains que ce soient ceux qui sont le moins susceptibles de récidiver car ils ne sont ni des délinquants professionnels, ni des délinquants dominés par des pulsions négatives (drogués, pervers sexuels). Le second est celui de la sincérité de la démarche entreprise de la part du condamné. A partir du moment où la participation à ce programme permet de bénéficier de meilleures conditions d’incarcération et éventuellement, on s’en doute, d’un préjugé favorable lors de l’examen du dossier de libération conditionnelle, qui peut garantir que la foi religieuse des détenus est réelle et que leur rédemption est véritablement acquise ?

Ces objections sont sérieuses. Il demeure que le programme PLUS marque peut-être une évolution positive aux Etats-Unis, car il met l’accent sur l’aspect rééducatif de l’enfermement carcéral, et non plus seulement sur la vengeance et la sanction. D’autre part, si cette initiative fonctionne et permet de réduire effectivement la récidive, qui s’en plaindra ?

Pour en savoir plus, visitez le site de l’Indiana Department of Correction : http://www.in.gov/indcorrection/initiatives/0505plus.htm

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Commentaires
J
J'ai repris le début de votre billet sur ma page "In God we trust" du site "l'Amérique post 11 septembre. De Bush I à Bush II"<br /> Fin de page (pour l'instant)<br /> http://membres.lycos.fr/returnliberty/religionusa.htm<br />
F
Penser à convertir les détenus à leur premier passage en taule, ça permet de ne pas avoir à le faire au n-ième passage avant de les exécuter. <br /> Un gain de temps considérable :-)
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