Albany-Indianapolis
Me voici de retour à Indianapolis, après deux mois d'absence, content de rentrer "à la maison". Si quelqu'un m'avait dit, il y a quelques années que "la maison", ce serait Indianapolis, U.S.A, je ne l'aurais sans doute pas cru...
La route a été particulièrement éprouvante, et le trajet m'a pris davantage de temps qu'escompté : en tout 14 heures, quatre Etats traversés (New York, Pennsylvanie, Ohio, Indiana), ciel gris au départ, neige dans les Adirondacks, pluie le long du lac Erié, temps dégagé, enfin, à Indianapolis.
Voici le trajet emprunté :
J'étais content d'arriver à Indianapolis, hier soir, surtout après avoir quitté Albany, capitale de l'Etat de New York. Si ce blog doit servir à quelque chose, qu'il serve avant tout à vous éviter d'avoir l'idée vraiment saugrenue de visiter un jour la ville d'Albany... Au cours de ces deux derniers mois de cours, je ne saisissais pas toujours très bien les remarques des enseignants au sujet d'Upstate New York (nord de l'Etat de New York), présenté généralement en des termes peu flatteurs, sans parler des habitants de ces contrées, assimilés le plus souvent à d'irrécupérables red-necks. Je mettais ces observations sur le compte du snobisme des habitants de la ville de New York, volontiers méprisants de tout ce qui s'éloigne de la presqu'ile de Manhattan. Pourtant, il s'avère pourtant que ces remarques étaient fondées, ainsi que j'ai pu le vérifier au cours des quatre jours passés à Albany.
Cette ville n'a strictement aucun intérêt. Il me semble même que les organisateurs des épreuves du barreau de New York ont choisi de les situer à Albany dans le seul objectif de dresser un obstacle supplémentaire sur la route des candidats. C'est un argument à double tranchant, car une fois que l'on y a mis les pieds une fois, surtout dans le froid glacial du mois de février (- 10 °, neige la nuit, vent tourbillonnant), on est prêt à tout pour ne pas y revenir passer les épreuves une seconde fois...
Mais tout d'abord un petit peu d'histoire : Comme souvent dans cette partie des Etats-Unis, les premiers arrivés étaient français. Dès le milieu du XVIème siècle, des trappeurs français vivaient dans la région, sans pour autant établir de base fixe. En 1624, le premier établissement permanent est créé, avec l'arrivée de 18 familles wallones protestantes ayant fui les persécutions religieuses des Pays-Bas alors sous domination espagnole, et donc catholique. Les nouveaux venus s'adonnaient au commerce des fourrures.
Le nom de la ville a été choisi en l'honneur du Duc de New York et d'Albany, qui deviendra Roi d'Angleterre sous le nom de James II, et roi d'Ecosse sous le nom de James VII. Le titre de Duc d'Albany était un titre de noblesse écossaise dérivant directement d'Alba, nom gaelique de l'Ecosse.
C'est en 1797 qu'Albany est devenue la capitale de l'Etat de New York. La ville s'est ensuite développée comme centre de commerce en raison de sa position géographique légèrement au sud des rivières Hudson et Mohawk. En 1807, Albany est relié à la ville de New York par des bateaux à vapeur qui empruntent l'Hudson. En 1825, la construction du canal Erié entre Buffalo (cf. carte routière ci-dessus) et Albany achève de transformer cette ville en carrefour des échanges entre la ville de New York et les Grands Lacs, et donc le Canada.
A la fin du XIXème siècle, la route de la France et d'Albany se croisent de nouveau : en effet l'architecture du State Capitol de l'Etat de New York (accueillant le pouvoir législatif), construit de 1867 à 1899, s'inspire directement de l'Hôtel de ville de Paris !
Voici l'édifice à l'origine :
Le voici de nos jours (la photo a été prise en été ou au printemps, mais au mois de février, c'est beaucoup moins pimpant).
Voici l'Hôtel de ville de Paris :
Bon, il y a indéniablement un air de famille, c'est vrai.
Mais à Albany, en matière architecturale, il y a mieux, (ou pire !) : l'Empire State Plaza (ou "Centre de torture n° 1" pour tous les candidats au barreau : c'est là que se déroulent les épreuves).
Construit à l'initiative du Gouverneur Nelson Rockefeller, et baptisé en son honneur, cet ensemble comprend la Erastus Corning Tower, haute de 180 mètres (immeuble le plus haut de l'Etat de New York hors de la ville éponyme, à gauche sur la photo), et quatre tours plus petites : le Legislative Office Building (services des assemblées législatives de l'Etat), la State Library (la bibliothèque de l'Etat), le musée de l'Etat de New York, et le Justice Building (Cour suprême de l'Etat de New York et services administratifs de l'administration judiciaire. Pour la petite histoire, la Cour suprême s'appelle la "Court of Appeals", soit littéralement la "Cour d'appel", tandis que les juridictions de première instance sont appelées Supreme Court, soit "Cour suprême". Logique, n'est-ce pas ?).
Les petites tours :
La Bibliothèque de l'Etat :
Enfin, au coeur de ce vaste complexe, se trouve un étonnant OVNI appelé "The Egg" (l'oeuf) abritant un centre artistique et des salles de spectacle.
L'ensemble de ces constructions, construites à la fin des années 1960 et s'inspirant directement de Brazilia, est disposé au coeur d'une ville de 95 000 habitants, dont les rues sont désertes, où les terrains vagues le disputent aux immeubles désaffectés dont les fenêtres ont été murées, et où la seule animation vient de fast foods graisseux dispersés le long des deux seules artères que l'on pourrait se hasarder à qualifier de "commerçantes". Le désespoir urbain, la pauvreté, la laideur, associés à la mégalomanie batisseuse de quelques politiciens dont la seule ambition parait être de dépenser l'argent du contribuable de la façon la plus outrancière possible (je ne parle pas de Georges Frêche à Montpellier, mais de Nelson Rockefeller) : telle est Albany.
J'aime beaucoup la note finale de l'article de Wikipédia sur Albany, pleine d'humour, je le crains à son insu...
"Some cities, like wrapped boxes under Christmas trees, conceal unexpected gifts, secret delights. Some cities will always remain wrapped boxes, containers of riddles never to be solved, nor even to be seen by vacationing visitors." So wrote author Truman Capote to describe the cloistered allure of his native New Orleans, as well as other cities that possess such mysterious charm.
While an oft-discussed (and lamented) "Smallbany" mentality may lead locals and visitors alike to conclude that Albany's culture is somehow lacking when judged on a regional, national or international scale, the city does indeed possess an artistic world that, while active and fruitful, may not be well known outside its inner core. Under the moniker of the Hidden City, a group of area musicians, writers and visual artists have formed a collective to bring to light some of the unexpected riches of the local arts scene.
The Lark street area has many hole-in-the-wall shops such as a bookseller, a tequila and burrito bar, a wine bar, head shops, body piercing and tattoo parlors, and live music-oriented restaurants. Albany also has two independent film theatres."
Yes, indeed...Je crains d'avoir cruellement sous-estimé l'envergure culturelle de la cité, sans doute en raison de son caractère sous-terrain et dissimulé... Enfin, c'est vrai, un libraire, un tequila et burrito bar, un magasin de tatouage et de piercing, cela mérite considération !
Pour un article passionnant sur l'architecture d'Albany, où j'ai trouvé une bonne part de mes informations, cliquez ici : http://www.lofaber.com/albany/essaymaking.html L'auteur est sans pitié pour Rockefeller et démonte très bien les ressorts qui ont conduits le Gouverneur milliardaire à restructurer ainsi la capitale de l'Etat de New York.
Il compare certains édifices à des projets futuristes des années 1960, à des travaux de Le Corbusier, ainsi qu'aux constructions de l'Italie fasciste en établissant un parallèle entre architecture monumentale et oppression politique. S'agissant des sources d'inspiration, j'ai pour ma part cru reconnaître certaines influences architecturales de l'Union soviétique stalinienne, de la Roumanie socialiste, ou encore du Havre sous domination communiste.