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"Chroniques transatlantiques"
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15 mai 2006

La bataille de Savannah

J'aime bien relever les (rares) traces de présence française aux Amériques, comme on disait alors. A cet égard, je peux difficilement passer sous silence le rôle primordial qu'ont joué les troupes françaises au cours d'un moment fort de l'histoire de la ville de Savannah (Géorgie) et de l'histoire de la guerre d'indépendance américaine.

En effet, c'est à Savannah que la France a pour la première fois engagé ses troupes dans le combat aux côtés des indépendantistes américains.

Le 16 septembre 1779, le Comte Charles-Henri d'Estaing, tout juste arrivé des Antilles à la tête d'un corps expéditionnaire composé de près de 4000 hommes, vient soutenir les troupes continentales (c'est-à-dire américaines) qui souhaitent faire tomber la ville de Savannah, port stratégique et porte vers le Sud de la colonie britannique. D'estaing prend la tête de toutes les troupes, intégrant les 1500 soldats américains, conduits par le Major Général Benjamin Lincoln, sous son commandement (ci-dessous, soldat des troupes continentales).

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Sûr de son fait, et escomptant une faible résistance côté britannique, Estaing demande au Général Augustine Prevost, général suisse (!) dirigeant les forces britanniques, de se rendre. Mais les Anglais, c'est leur défaut mais aussi leur plus grande qualité, sont des teigneux : évidemment, les Britanniques refusent de se rendre (ci-dessous soldats britanniques).

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Ils n'ont pas tout à fait tort : ils sont en position défensive, et Savannah constitue une place forte idéale. La topographie rend impossible une attaque de trois des quatre côtés, de telle sorte qu'il suffit de concentrer toutes ses forces sur le flanc sud de la ville pour assurer une défense optimale. En 22 jours de siège, les Britanniques ont tout le loisir de consolider leurs lignes de défense. Certains experts considèrent d'ailleurs qu'Estaing aurait sans doute remporté la place s'il avait lancé un assaut dès son arrivée devant Savannah, alors que la ville était encore mal protégée. Au lieu de quoi il a préféré attendre les troupes continentales, venues du nord, puis lancer son imbécile ultimatum, pour enfin s'enferrer dans un siège. Evidemment, les Britanniques ont mis ce temps à profit pour se renforcer, mobiliser toutes les énergies, et s'oganiser.

Au bout de 22 jours de siège, les Britanniques n'ont toujours pas cédé. Des renforts britanniques risquant de prendre à revers les troupes franco-américaines, il devient urgent pour Estaing de tenter quelque chose.

Le 9 octobre 1779, les Franco-Américains lancent l'assaut contre les lignes britanniques. Trois charges successives sont menées, chacune d'entre elle se fracassant sur les défenses de Savannah. En une heure, près de 1000 Français et Américains (sur 5500) sont tués au combat. C'est une boucherie. Estaing est sérieusement blessé, Pierre L'Enfant, futur architecte de Washington D.C., est laissé pour mort, un général polonais des troupes continentales est tué... Les assaillants ont leur héros en la personne du Sergent William Jaspers qui, malgré ses blessures mortelles, a sauvé les couleurs de son régiment durant l'assaut... On a tous déjà lu cette histoire des dizaines de fois, ou comment masquer une défaite militaire en acte glorieux grâce à l'héroïsme (réel ou inventé, peu importe) de quelques uns.

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Face à ce désastre, Estaing renonce : les troupes franco-américaines repartent vers le nord (Charleston) et Savannah reste britannique jusqu'en 1782. Il est probable que si la ville était tombée, la Campagne du Sud, qui a duré deux années, aurait tourné court. Cette première passe d'armes, très coûteuse en hommes, a sans doute rallongé la guerre de deux années.

Notons une caractéristique des armées de l'époque : leur très grande diversité.

  • Ainsi, les Britanniques étaient dirigés par un général suisse, et leurs troupes étaient constituées d'Anglais, d'esclaves africains, de colons américains fidèles à la Couronne, d'Indiens Cherokee, d'Ecossais, et d'Allemands.

  • Les troupes continentales comportaient des colons américains de diverses origines, ainsi que des régiments allemand, autrichien, polonais, écossais, et suisse.

  • Enfin, les troupes françaises étaient sans doute les plus diversifiées, car si elles intégraient des Français, elles comportaient aussi un apport colonial significatif (Guadeloupe, Martinique, et surtout de très nombreux soldats venus de St Domingue, soit des Haïtiens et des Dominicains actuels), sans oublier des régiments suédois, irlandais et gallois.

S'agissant du Comte Charles-Henri d'Estaing, il est rentré en France après cette bataille perdue.  Il sera guillotiné en 1794. Savannah ne l'a pas oublié, et rend hommage en divers endroits de la ville à ces Français venus de si loin soutenir la jeune Amérique dans sa lutte pour l'indépendance, jusqu'à parfois sacrifier leur vie à cette cause (ci-dessous, Estaing au musée d'histoire de Savannah).

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"Si les Français n'étaient pas là, on vivrait tous en Terre d'Albion..." : peut-être faudra-il que quelqu'un l'écrive, cette chanson...

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Commentaires
G
C'est bien un lointain ancêtre d'Estaing, dont le père de V. Giscard a demandé à emprunter le nom et l'accoler à son patronyme (giscard n'est pas noble), mais celui de l'histoire a laissé une réputation mauvaise (c'est un fol et un fol dangereux) d'un irresponsable qui a perdu quantité de soldats stupidement.
M
Ce n'est pas impossible, mais je n'en ai pas la certitude. Je crois que l'oncle de Giscard, ou son père, a demandé à accoler le patronyme d'Estaing au nom familial car plus personne ne portait ce nom. Il y avait sans doute un lien de parenté aussi avec les d'Estaing.
E
D'Estaing. c'est celui dont Giscard a "repris" le nom?
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