Dans l’air du temps (I) : les dépenses culturelles de la ville d’Indianapolis
Quelles sont les questions de société qui agitent les Hoosiers ces temps-ci ?
Une bonne façon de se faire une idée est de jeter un œil au sondage hebdomadaire du journal gratuit « Intake », journal qui détaille les sorties possibles à Indianapolis et dans ses environs (restaurants, cinémas, musées festivals, spectacles, concerts).
Rien de bien scientifique dans ces consultations, mais une sorte d’instantané des questions temporairement sous les feux de l’actualité, abordées dans les discussions quotidiennes autour de la machine à café.
Dans les jours à venir, je compte aborder les questions posées par Intake au cours des dernières semaines, et brosser ainsi un tableau rapide des thèmes qui sont « dans l’air du temps ».
Commençons donc avec cette première question :
Would you rather see the city spend tax dollars on public art or public roads? (Préférez-vous que la ville d’Indianapolis consacre l’argent du contribuable à des manifestations artistiques publiques ou aux routes?)
La municipalité d’Indianapolis essaie de rendre la ville plus attractive et s’est notamment lancée dans une politique consistant à installer sur la voie publique des sculptures monumentales à titre temporaire. Le maire démocrate, Bart Peterson, fait tout son possible pour que les gens d’Indianapolis et de ses banlieues (rayon de 30 km autour de la ville) sortent à Indianapolis, aillent au restaurant, au spectacle, et s’y divertissent. Il faut dire que la ville a longtemps été semblable à nombre de villes du Middle West : administrative, et désertée passée la fermeture des bureaux, tous les travailleurs retournant dans leurs suburbs (ci-dessous : Bart Peterson).
Il y a encore une dizaine, Indianapolis était vraiment sans intérêt.
Beaucoup a été fait depuis. Je ne dirais pas qu’Indianapolis est un phare culturel, mais les progrès sont notables : parcs, aménagements des canaux sur lesquels on peut se déplacer en barque ou en gondole (!), ouverture de nombreux restaurants, d’une grande et belle galerie marchande, de musées, de salles de cinéma, festivals et animations en tous genres. Sans parler du RCA Dome accueillant les Colts (football américain), du Conseco Fieldhouse accueillant les Indiana Pacers (Basket) et du Victory Fields accueillant les Indiana Indians (base ball). A tel point qu’Indianapolis accueille désormais des centaines de milliers de congressistes tous les ans.
A lire Intake, il serait possible de sortir tous les soirs dans un endroit différent.
Dès lors, l’installation de sculptures monumentales s’inscrit dans cette volonté de revitalisation du centre ville : en effet, pas de vraie métropole sans pôle culturel !
Pourtant, Peterson a visiblement un peu brusqué ses concitoyens, qui pour beaucoup s’étranglent à constater que leurs impôts puissent servir à installer sur la voie publique des sculptures modernes qui, c’est inévitable, plaisent à certains et déplaisent à d’autres.
Mais, même sans aborder la question du parti pris artistique des uns et des autres, il me semble que ce qui choque le plus les Hoosiers, c’est que la municipalité finance des projets culturels ! L’allergie à toute forme d'imposition fiscale est telle dans l’Indiana que beaucoup préfèrent bien souvent voir la puissance publique renoncer à toute activité si cela peut se traduire par une baisse d’impôt ! C’est ainsi que l’éclairage public est réduit à sa plus simple expression et que, dans notre rue par exemple, il est demandé aux riverains d’allumer les lumières à l’extérieur de leur habitation à la nuit tombée car il n’y a pas d’éclairage public…
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les Hoosiers aient considéré (à 68 %), plus important de financer les routes que de s’offrir des sculptures en plein air (32 % quand même). Et ce d’autant plus que la question était clairement biaisée, présentée sous le forme d’un choix un peu idiot : entre la construction des routes, essentielle et ressortant clairement de la responsabilité publique, et des sculptures exposées en plein air, assez futiles en comparaison, le choix n’en était pas vraiment un. En tout cas, la question, comme souvent dans les sondages, sous-tendait assez clairement la réponse… Ils auraient pu faire encore mieux, sans doute, dans le genre : « préférez-vous que l’argent du contribuable serve à financer d’inutiles sculptures publiques ou des maternités – des dispositifs de protection antiterroristes – la sécurité du contrôle aérien ? »…
Ci-dessous, quelques unes des oeuvres de Tom Otterness exposées dans les rues d'Indianapolis.