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"Chroniques transatlantiques"
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5 septembre 2005

Quelques réflexions sur Katrina

La première réaction à l’effroyable désastre survenu il y a quelques jours en Louisiane, Mississipi et Alabama est la solidarité à l’égard du peuple américain. Leur sort ne peut laisser indifférents les Français vivant aux Etats-Unis. Immergés tout au long de l’année au milieu de ce peuple si accueillant, nous sommes affectés par ce qui les affecte, blessés par ce qui les blesse.

La catastrophe est d’une ampleur exceptionnelle. Plusieurs villes, dont la Nouvelle-Orléans, ont été littéralement rayées de la carte, l’équivalent de la moitié de la superficie de la France a été recouverte par les eaux, plus de dix milles morts (chiffres à préciser) sont à déplorer, des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et ne pourront pas rentrer chez elles avant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Je ne parle pas des pertes matérielles : logements, infrastructures, unités de production, tourisme, services publics, agriculture, … Les plaies ne seront pas cicatrisées avant longtemps. Cet inventaire bien connu de la situation actuelle me paraît nécessaire pour rappeler la gravité de la situation et son caractère exceptionnel. Les observations qui suivent découlent de ce constat initial.

1 – Les critiques diffusées dans les médias relatifs à la lenteur ou à l’inefficacité des secours manquent de sérieux. Il ne fait pas de doute que les pouvoirs publics ont été surpris par la dimension de l’ouragan. Nul cependant ne pouvait être suffisamment préparé pour faire face à un choc de cette dimension. Imaginons un instant la moitié de la France recouverte par les eaux : notre pays ne s’en relèverait pas.

2 – La responsabilité dans l’impréparation d’une situation dont l’éventualité était connue depuis longtemps (rupture des digues retenant les eaux du lac Ponchartrain) n’est pas imputable au pouvoir fédéral, mais avant tout à l’état de Louisiane et à la ville de La Nouvelle-Orléans. Les Etats-Unis ne sont pas une France en plus grand. Je veux dire par là que l’organisation des pouvoirs y est différente et que police, sécurité, organisation des secours et infrastructures ne sont pas de la responsabilité du pouvoir fédéral, qui ne dispose tout simplement pas du pouvoir constitutionnel pour intervenir. La Louisiane, et elle seule, était en première ligne.

3 – Le fait que George Bush ne se soit pas rendu en personne sur les lieux sinistrés constitue sans doute une faute de communication, mais pas une faute de gestion. En effet, ce n’est pas parce que le Président ne déambulait pas dans les rues de Biloxi dans les heures suivant le drame qu’il n’était pas correctement informé de la situation et qu’il n’a pas pris les mesures en son pouvoir en temps et en heure.

Nos contemporains sont tout de même assez paradoxaux : ils dénoncent la dérive spectacle de la politique ainsi que ses variantes compassionnelle, maternelle voire maternante, tout en reprochant en même temps aux responsable politiques de ne pas être présents sur les lieux de toutes les catastrophes ! Les hommes politiques français sont, il est vrai, passés experts dans l’exploitation à des fins politiques des malheurs charriés par l’actualité (de façon volontaire ou forcée). Une marée noire et le ministre de l’environnement chausse ses bottes pour arpenter les plages ; une famine et le ministre de l’action humanitaire décharge les sacs de riz des navires ; un gamin abattu dans une cité et le ministre de l’intérieur console les parents, lève l’index d’un ton vengeur et multiplie les coups de menton ; des problèmes à l’hôpital et le ministre de la santé passe la nuit dans un service d’urgences, en blouse blanche et stéthoscope au cou. Oh ! Je sais ! Ils n’ont rien inventé. Mussolini a inauguré le genre en moissonnant devant la presse convoquée au grand complet…

4 – Prétendre que les secours sont insuffisants en raison du nombre de troupes envoyées en Irak est un argument grossier et indécent. Une certaine gauche américaine est véritablement prête à faire feu de tout bois pour faire fructifier son capital électoral. Que faut-il faire ? Renoncer à toute opération extérieure sous prétexte qu’une catastrophe peut survenir sur le sol américain ?

5 – La misère s’acharne sur les plus vulnérables. La Louisiane et l’Alabama étaient déjà les états les moins riches des Etats-Unis. Katrina ne va rien arranger. Au sein même de ces états, ce sont les plus pauvres, noirs généralement, qui ont le plus souffert : certains n’ayant pas de voiture, ils n’ont pas quitté la ville ; déjà pauvres, l’ouragan leur a pris le peu dont ils disposaient ; leur avenir est bien sombre car il n’est pas assuré que les emplois qu’ils occupaient puissent être maintenus.

6 – Décidément, il ne faut point trop espérer du genre humain. Que certains aient pu profiter de la situation pour piller, violer, jouer le coup de feu contre les sauveteurs et les forces de l’ordre est désolant.

7 – Si impréparation il y a eu, elle est patente dans le secteur pétrolier. Il apparaît bien inconséquent de la part des Américains d’avoir concentré les raffineries de pétrole dans les régions soumises aux ouragans, ainsi que d’avoir des réserves de pétrole brut mais pas de pétrole raffiné (contrairement aux Européens).

8 – Faut-il reconstruire La Nouvelle-Orléans ? La question risque de se poser sérieusement. La ville restera au-dessous du niveau de la mer, et ce dans une région exposée aux ouragans. Ce qui vient de se produire peut se reproduire. La ville étant largement détruite, peut-être faut-il la reconstruire un peu plus loin. Le quartier français, fort heureusement, semble épargné, d’après ce que j’ai lu : il se trouvait au-dessus du niveau de la mer. C’est le cœur historique de la ville. Le reste, les bureaux, les habitations, les malls, pourrait sans doute être transposé dans une zone sûre.

9 – Et la France dans tout cela ? Nous avons proposé des tentes… Trop peu, trop tard. Il y avait là l’opportunité de rendre service aux Américains en leur prouvant que malgré certaines divergences politiques, nous sommes leurs fidèles amis. Il ne fallait pas mégoter. Les Américains eux-mêmes, au cours du XXème siècle ont été assez généreux avec nous pour que nous leur prêtions main-forte lorsqu’ils sont en difficulté. Encore une occasion ratée.

10 – Pour conclure ce post pas très joyeux, je voudrais me rappeler La Nouvelle-Orléans, telle que je l’ai découverte il y a quelques années. Une ville gaie, remplie d’orchestres de jazz et de personnes dansant dans les rues, des restaurants servant de la cuisine bien épicée vraiment délicieuse (et l’inoubliable jambalaya), une architecture coloniale témoignant de ce qu’avait pu être il y a quelques siècles ce vieux sud français… La Nouvelle-Orléans était l’une des villes les plus intéressantes des Etats-Unis, si vivante, si ouverte, si désinhibée, si fidèle à son passé aussi. J’espère qu’elle redeviendra cette métropole attachante, où l’on fêtait Mardi-Gras d’une façon inimaginable ailleurs aux Etats-Unis !

Les photos du désastre sont extraites du site : (http://www.universitet.us/forum/viewtopic.php?p=324#324), découvert grâce à l’indispensable http://insidetheusa.net

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Commentaires
D
Hello,<br /> <br /> Sans pencher sur le radicalisme de Wayne (meme si je le rejoins sur presque tout ^^), je vous trouve particulierement leger sur votre traitement de cette catastrophe...<br /> <br /> Par contre la ou je ne suis carrement pas d'accord est le fait que vous refusiez la recherche d un coupable??? Quand une erreur est commise mettant en jeu la vie de milliers de personnes, il me semble important de veiller a ce qu il y ai sanction si dysfonctionement, vous ne trouvez pas?? Et peut importe qui il est...<br /> De meme le role de l armee moderne et professionnelle n est plus de faire la guerre "seulement" comme vous le pretendez, mais d assurer un role de prevention, de securite et d aide face aux possibles catastrophes... Bref repondre aux besoins.<br /> <br /> Sinon mis a part ca bravo pour votre blog,<br /> Duc.
M
Wayne, <br /> Merci de me lire si attentivement...<br /> Nous avons manifestement quelques divergences. <br /> <br /> Je vais essayer de répondre à certaines des observations qui ont été formulées. <br /> 1 - Il est indéniable que des erreurs ont été commises, que des problèmes d'organisation se sont matérialisés. Le sens de mon propos était plutôt de dire que face à l'ampleur de la catastrophe, c'était assez inévitable. J'éviterai de tomber dans cette tendance bien contemporaine consistant à chercher un responsable, justiciable de préférence, à tous les coups du sort. J'éviterai aussi l'exploitation politicienne de ce désastre.<br /> 2 - Aux Etats-Unis, la responsabilité dans la construction des infrastructures (hormis les voies de communications entre Etats) et dans l'organisation des services de secours appartient aux Etats, je regrette de le répéter. L'Etat fédéral a bien des moyens d'intervention, participe à la construction de grandes infrastrutures, c'est vrai (par le moyen de ses pouvoirs budgétaires). Mais la compétence de principe en ces domaines appartient aux Etats fédérés. Pour faire une analogie avec notre situation : l'Union européenne dispose de compétences en matières environnementale. Elle finance des programmes visant à lutter contre les marées noires, à améliorer la qualité des eaux, à protéger la biodiversité, etc... Cependant, si une catastrophe écologique survient, ce sont bien les Etats européens qui sont responsables, parce qu'ils disposent de la compétence de principe et sont en première ligne. <br /> 3 - Mon post n'est pas une défense de George Bush. Ce serait mesquin dans un tel contexte. Il se trouve seulement que je ne trouve pas sérieux d'utiliser tous les arguments contre lui, quels qu'ils soient, sous prétexte que l'on ne partage pas ses idées. Cela serait vrai pour n'importe quel homme politique.<br /> 4 - Le rôle de l'armée est de faire la guerre. Pas de jouer aux secouristes. L'armée peut être utilisée pour prêter assistance en cas de besoin, mais ce n'est pas sa vocation première. Ecrire cela paraît être une évidence, et pourtant...<br /> 5 - Il n'y a pas de "haine anti-française" heurtant ma "faculté de discernement"... Si vous saviez, Wayne, à quel point je suis patriote ! Je pourrais prendre cela pour une insulte, mais je ne le ferai pas, nous ne nous connaissons sans doute pas encore suffisamment. Je ne suis pas anti français : je suis seulement un patriote français qui pense que les Américains sont nos amis, que nous partageons nombre d'intérêts en commun avec eux, et qu'il convient de tout faire pour que nous nous entendions le mieux possible. Les divergences et animosités américano-française et franco-américaines me peinent. J'ai cependant plus souvent entendu de manifestations d'anti-américanisme primaire en France que de l'autre côté de l'atlantique. Je pense que c'est dommage. Je rêve donc de combler les gouffres d'incompréhension qui sont parfois perceptibles de part et d'autre. C'est l'une des raisons d'être de ce blog.
W
Un mot déjà pour dire la consternation et l'affliction des français de la métropole<br /> pour leurs amis américains. Un autre pour dire ma tristesse devant l'aveuglement idéologique :<br /> <br /> >>Nul cependant ne pouvait être suffisamment préparé pour faire face à un choc de cette dimension<br /> <br /> Les médias ne reprochent pas au secours d'avoir été incapable de répondre à l'immensité des demandes, mais de ne pas avoir été à la hauteur de ce que les victimes étaient en droit d'attendre. Les critiques sont d'ailleurs assez précises : on se demande pourquoi aucun secours n'est arrivé sur les lieu alors que certaines voies d'accès étaient pratiquable (et pratiquée), on se demande pourquoi la croix rouge n'a pas eu le droit d'intervenir, on se demande comment les autorités on pu prétendre ne pas être au courant des réfugiés du centre de conférence, etc... Toute ces questions, me semble-t-il, sont assez légitimes.<br /> <br /> >>Imaginons un instant la moitié de la France recouverte par les eaux.<br /> <br /> Cette surface que vous évoquez est celle touchée par Katrina, et non pas celle qui est inondée (heureusement bien moindre).<br /> <br /> >>La responsabilité dans l’impréparation d’une situation dont l’éventualité était connue depuis longtemps (rupture des digues retenant les eaux du lac Ponchartrain) n’est pas imputable au pouvoir fédéral, mais avant tout à l’état de Louisiane et à la ville de La Nouvelle-Orléans. <br /> trois remarques : 1) vu l'ampleur de la catastrophe, c'est du niveau fédéral. Et c'était effectivement le cas, puisque c'est la FEMA qui est impliquée. Qu'elle ne se soit pas préparée suffisamment est aussi de sa responsabilité; 2) les coupures dans les crédits d'entretiens n'ont pas été faits au niveau local, mais bien fédéral; 3) L'incessant report du projet de rénovation des digues est à mettre au débit de TOUS les gouvernements fédéraux, y compris l'actuel.<br /> <br /> >> Le fait que George Bush ne se soit pas rendu en personne sur les lieux sinistrés constitue sans doute une faute de communication, mais pas une faute de gestion.<br /> <br /> Je n'ai pas lu beaucoup de reproches de cette espèce. On le critique surtout pour son manque de leadership. Je ne sais pas s'il aurait pu faire accélérer le mouvement des secours, mais c'est bien pour ça (entre autres) qu'on le critique, pas pour sa "communication".<br /> <br /> >>Prétendre que les secours sont insuffisants en raison du nombre de troupes envoyées en Irak est un argument grossier et indécent<br /> <br /> Et factuel! On peut trouver justifiée ou non la présence d'une partie des troupes de la Garde Nationale sur le sol irakien, mais le fait est que cela a privé les US de ressources précieuses.<br /> <br /> >>Renoncer à toute opération extérieure sous prétexte qu’une catastrophe peut survenir sur le sol américain ?<br /> <br /> Cela ne sert à rien de caricaturer : il est légitime de se poser la question de l'importance respective des interventions extérieures et de la sécurité intérieure. L'une a peut-être été excessivement privilégiée par rapport à l'autre. C'est en tout cas une question qui se pose!<br /> <br /> >>Il apparaît bien inconséquent de la part des Américains d’avoir concentré les raffineries de pétrole dans les régions soumises aux ouragans<br /> <br /> Cette inconséquence, c'est celle du capitalisme américain. Bonjour les anticipations rationnelles! ça donne à réfléchir, non?<br /> <br /> >>Et la France dans tout cela ? Nous avons proposé des tentes… Trop peu, trop tard.<br /> <br /> Là ça devient affligeant de voir à quel point la faculté de discernement peut être faussée par la haine anti-française. la France offre certes du matériel de survie (tentes, couvertures, bâches, kits de cuisine, lits de camp), mais aussi un détachement de la défense civile, une frégate, des hélicoptères et des appareils C-135 et Transall. A cela s'ajoute les logisticiens de la croix rouge française et les camions de transport d'eau de Véolia. Le 2 septembre "Mme Rice a vivement remercié le Ministre [des affaires étrangères] pour l’expression de totale solidarité de la France face à la catastrophe"
C
you're right!!
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